dimanche, novembre 06, 2005

LE BATEAU DU MILLIARDAIRE



Au début des années 80, j'ai eu l'occasion d'aller travailler à Palma de Majorque sur un de ces bateaux qui font rêver, amarrés aux pontons des marinas de luxe...

l'"Orejona" était à vendre, et pendant mon séjour, elle n'a pas quitté le port.

Ce que je vous propose, c'est une petite visite guidée... suivez-moi, on monte la passerelle !





L ‘ »Orejona » était une goélette de 100’, soit environ 35 m de long. Elle avait été construite en Hollande par le chantier Cammenga, sur des plans De Vries Lentsch. Le propriétaire avait notablement participé à l’élaboration des aménagements intérieurs.

Celui-ci avait fait fortune dans le bâtiment, vendu ses sociétés, et vivait à bord de son bateau depuis plusieurs années.


Le bateau était construit en acier. Il contenait dans ses flancs la bagatelle de 15 000 litres d’eau douce, et de 16 000 litres de gas-oil ! Ce qui procurait déjà une autonomie appréciable…

Le pont était bien entendu recouvert de teck, et l’on se serait miré dans les vernis des portes et mains courantes.

Au pied de la passerelle (recouverte d’un tapis rouge), une sonnette prévenait de l’arrivée d’un éventuel visiteur.

La poupe du bateau avait été construite en acier blindé, pour pouvoir résister aux attaques de pirates éventuels. !

Plus étonnant, la table de l’immense cockpit pouvait s’enlever, son pied se transformant en affût de fusil-mitrailleur !! (qui se trouvait à bord…)

Le propriétaire était certes prévoyant, mais un peu paranoïaque, d’autant que cette superbe unité, apte à tourner autour du monde, n’avait jamais dépassé l’archipel des Baléares.

Sur le pont, amarrés dans différents endroits, se trouvaient 5 annexes ou petits dériveurs, de quoi occuper un peu les loisirs des trois enfants qui vivaient à bord. Car le bateau, vu le très fort tirant d’eau de 3m60, restait la plupart du temps au mouillage lorsqu’il était en croisière.

Sur le modèle classique de nombreux yachts à moteur, les aménagements intérieurs de l’ »Orejona » étaient divisés en trois parties principales :


Tout d’abord un immense salon, aux moelleux canapés et fauteuils assortis d’une grande table et de petits guéridons. C’était le lieu de réunion de la famille.

Toute la partie arrière desservait ce que l’on peut appeler les appartements du propriétaire : la coursive sur moquette desservait les chambres : dans l’ordre « Versailles », « Chambord » et « Trianon »…
Chambres du propriétaire, des enfants, des amis… avec bien entendu pour chacune une salle d’eau particulière.

Une chambre particulière était réservée au propriétaire en propre, sorte de garçonnière indépendante, appelée la « chambre du capitaine », et qui communiquait avec la timonerie par un escalier en colimaçon.


Toute la poupe du bateau était réservée au « half-moon saloon », sorte de fumoir, de lieu de détente où étaient disposés un projecteur de film et un orgue à deux claviers.

Venant du salon, vers l’avant, en contre-bas, se trouvait la cuisine, disposant bien entendu de tout le confort indispensable. Une porte étanche donnant dans celle-ci permettait de se rendre, en plus de l’ouverture par le pont, dans la salle des machines.

Au milieu de cette dernière trônait l’énorme moteur MVM de 500 cv, avec disposés autour l’établi, les 3 générateurs, l’établi du chef mécanicien, son bureau, le tout ceinturé et bardé d’innombrables tubulures, manomètres, disjoncteurs et cadrans divers…

La partie avant était dédiée à l’équipage (normalement une demi-douzaine de matelots anglais en navigation).

On y trouvait tout d’abord le « crew mess », leur salle à manger, puis la chambre du second, celle du mécanicien, celle de l’hôtesse, et enfin le poste d’équipage à l’extrême avant, avec les classiques couchettes superposées.


La timonerie était un des points névralgiques du bateau. A l’époque où je vous parle, pas d’instruments sophistiqués, de GPS ni même de SATNAV, ceux-ci étant apparus après.

Par contre un écran radar de bonne taille, une machine à faire le café, pour que le timonier tienne le coup, et… une selle de moto inconfortable, spécialement installée pour qu’il ne s’endorme pas


La barre à roue était superbe, avec son petit capuchon central en cuivre..

Je suis resté un peu plus de quatre mois sur le bateau, avec femme et enfant. Chargé des visites avec les brokers, et de l’entretien courant, le travail aurait pu être très agréable, si le propriétaire n’avait eu la mauvaise idée de vouloir venir passer quelque temps à bord.

Je me suis donc ajouté à la liste de ceux que j’avais pu trouver en ouvrant le cahier marqué « punitions – désertions » ! dans lequel ce dernier consignait soigneusement remarques et brimades !

Mais c’est une expérience que je ne regrette certes pas !!

.